En savoir plus sur la chronothérapie

La chronobiologie

La chronobiologie est une branche de la biologie. Elle est née aux USA dans les années 60, à la suite des travaux réalisés par Van Halberg pour les vols spatiaux de la NASA. Elle s’intéresse à la distribution dans le temps des divers paramètres biologiques. Ces derniers évoluent le plus souvent selon une rythmicité cyclique.

La majeure partie de ces rythmes sont dits circadiens, c.-à-d. qu’un cycle dure +/- 24 heures (de 20 à 28 heures). Les expériences d’isolation temporelle (menées essentiellement en Allemagne, par Bever, Aschoff, Weber…), ainsi que les expériences de suspension de l’homéostasie du sommeil (Strogatz, « journées 13’/7’ » de Lavie…), ont permis de démontrer que, en moyenne, le rythme circadien veille/sommeil est en fait, chez l’homme, de 25 heures 20 minutes. Par rapport au soleil, nous accusons donc chaque jour un retard d’1 heure 20 minutes ! Il existe également des rythmes biologiques dont la période est plus courte que 20 heures (les rythmes ultradiens, comme le BRAC de Kleitman - cycle vigilance/somnolence de 90 minutes, ou comme le rythme inter-narinaire - alternance de narine bouchée au cours de 90 minutes également). Et des rythmes dont la période est plus longue que 28 heures (rythmes infradiens, comme celui des globules rouges ou du cycle menstruel).

Ces rythmes sont contrôlés par de nombreuses horloges biologiques (certains auteurs postulent l’existence de 400 horloges !) Toutes ces horloges sont dirigées par un chef d’orchestre commun, qui porte le nom d’Horloge Interne (Masterclock, General Pacemaker, horloge Y). Horloge qualifiée de « faible », car facilement remontable par les synchroniseurs externes. On a pu montrer que cette horloge se situe dans le noyau supra-chiasmatique (SCN) de l’hypothalamus (une structure sise au centre du cerveau). Outre le fait de synchroniser les autres horloges, Y programme l’alternance veille/sommeil et la distribution du sommeil profond. Elle programme également la sécrétion de l’hormone de croissance, de la mélatonine et de la prolactine. Cette horloge est fortement déterminée génétiquement. C’est elle qui va définir si l’on est un gros ou un petit dormeur, un sujet du matin ou un oiseau de nuit, un dormeur monophasique ou un adepte de la sieste. C’est également elle qui va programmer les "pics" (acrophase) et les "creux" (nadir) d’activité et de performance.

Par ailleurs, Y est modulée par l’horloge X, horloge dit « forte », car difficilement remontable par les synchroniseurs externes. Elle est située dans le cortex cérébral. X programme la distribution du sommeil paradoxal, la sécrétion du cortisol et les fluctuations de température corporelle. C’est surtout par le truchement de ces dernières que X influence le sommeil.

En situation d’isolation temporelle (bunker, grotte…), l’Horloge Interne opère en libre cours (free running). Le cycle veille/sommeil s’échelonne dès lors, selon les individus, entre un rythme circadien (+/- 24 heures) et un rythme circabidien (+/- 48 heures). Dans les conditions naturelles de vie, l’Horloge Interne est synchronisée avec l’Horloge Externe (horloge géophysique, rapportée par l’horloge sur le mur) à l’aide des synchroniseurs externes (zeitgebers). Il s’agit essentiellement du cycle lumière/obscurité, des activités socioprofessionnelles et de l’exercice physique. Chez certains, la synchronisation se fait très facilement : Y est particulièrement souple. Chez d’autres, elle se fait plus difficilement : Y est plus rigide (elle se rigidifie d’ailleurs avec l’âge).

Voici quelques exemples de synchronisation de l’Horloge Interne :

1) l’Horloge Interne doit être avancée quotidiennement d’1 heure 20 minutes en moyenne (on passe
tous les matins de 25 heures 20 minutes à 24 heures),

2) nous nous adaptons à la longueur des jours qui varie au gré des saisons (de même qu’au
passage à l’heure d’été),

3) l’oiseau de nuit, tout comme le gros dormeur, est malgré tout (le plus souvent) capable de
se lever le matin pour aller travailler,

4) le Belge qui arrive à San Francisco parvient en quelques jours (6 en moyenne) à se recaler
au rythme local,

5) il en est de même pour l’adolescent qui se lève à midi le samedi et le dimanche, et
passe du coup, pour ainsi dire, ses week-ends à New York et sa semaine en Belgique !,

6) le travailleur de nuit, ou à pauses variables (à l’Y très souple), réussit (dans une certaine mesure) à
s’adapter à ces rythmes contre-natures...

L’organisme recherche toujours un équilibre temporel entre lui-même et le monde extérieur. Normalement, les deux horloges sont synchronisées. Lorsque l’Horloge Interne n’est pas synchronisée avec l’horloge du mur, une situation pathologique en découle. Toute une gamme de troubles du sommeil, de l’éveil et de l’humeur est, en tout ou en partie, conditionnée soit par une désynchronisation entre l’Horloge Interne et l’Horloge Externe (= désynchronisation externe), soit par une désynchronisation entre plusieurs rythmes internes (= désynchronisation interne), comme cela peut être le cas, par exemple, entre X et Y.


La chronopathologie (troubles du rythme circadien)

Les insomnies

De nombreuses insomnies découlent en fait, après analyse, d’un trouble du rythme circadien. C’est le cas des insomnies dites « psychophysiologiques » et de celles liées à une hygiène de sommeil inadéquate. Ces insomnies font souvent suite à des tentatives visant à améliorer une difficulté de sommeil initiale. Le sujet essaie par de nombreuses stratégies d’accroître son temps de sommeil. Malheureusement, ces conduites désorganisent le rythme veille/sommeil (temps passé au lit excessif, irrégularité de l’heure du lever et du coucher, fluctuations de la quantité de sommeil, siestes anarchiques...), perturbent l’Horloge Interne et ne font finalement qu’aggraver le problème.
Ces troubles se caractérisent par un mauvais sommeil nocturne et par une somnolence diurne excessive

Le syndrome de retard de phase

L’Horloge Interne est retardée par rapport à l’Horloge Externe. Ceci peut être le fait d’un facteur génétique et/ou d’un conditionnement par l’environnement (ex : changement de pays, passage d’un rythme de week-end à un rythme de semaine, d’un rythme de nuit à un rythme de jour...). Ce syndrome touche classiquement les adolescents, les étudiants, les chômeurs, les expatriés et les ex-travailleurs de nuit.
Ce trouble se caractérise par une hypersomnie le matin et une hypervigilance en première partie de nuit.

Le syndrome d’avance de phase

L’Horloge Interne est avancée par rapport à l’Horloge Externe. Ceci peut être le fait d’un facteur génétique et/ou d’un conditionnement par l’environnement. Ce syndrome touche classiquement les personnes âgées, les expatriés et les ex-travailleurs de nuit.
Ce trouble se caractérise par une hypersomnie en soirée et une hypervigilance en seconde partie de nuit.

Le syndrome de rythme non 24 heures

L’Horloge Interne est totalement désynchronisée par rapport à l’Horloge Externe. Ceci est causé par un facteur génétique. Ce syndrome est heureusement fort rare.
Ce trouble se caractérise par l’alternance complètement anarchique du cycle veille/sommeil.

Les troubles liés au travail de nuit et au travail posté

L’horloge Interne est inversée par rapport à l’Horloge Externe.
Cette condition de vie peut provoquer un trouble caractérisé par une hypersomnie pendant les périodes d’activité et une hypervigilance pendant les périodes de repos. Des troubles digestifs sont fréquemment associés.

Le syndrome de jetlag (décalage horaire)

L’Horloge Interne est soit en avance soit en retard de phase par rapport à l’Horloge Externe, par suite d’un voyage transméridien.
Ce trouble se caractérise par une inadéquation du rythme veille/sommeil, celle-ci étant parfois accompagnée de déficits cognitifs, de troubles digestifs ainsi que de malaises diffus.

Le rythme veille/sommeil de la personne âgée

L’Horloge Interne est en avance de phase et partiellement désynchronisée par rapport à l’Horloge Externe.
Ceci est dû à un effet de l’âge, à une hyposécrétion en mélatonine, et parfois également à un défaut d’activités socioprofessionnelles et à une privation de lumière du jour.
Ce trouble se caractérise par de l’insomnie principalement matinale, par de l’hypersomnie vespérale et par de l’hypersomnolence diurne (se manifestant par de nombreuses siestes).

Le trouble dépressif majeur classique

L’Horloge Interne est en avance de phase par rapport à l’Horloge Externe. Ceci est causé en partie par une hypoactivité mono-aminergique et aussi, fréquemment, par un déficit en activités socioprofessionnelles. Ce trouble du rythme circadien est doublé d’une avance de phase du rythme ultradien du cycle sommeil paradoxal/sommeil non paradoxal (sous le contrôle de l’oscillateur X).
Ce trouble se caractérise par une insomnie matinale et une altération de l’architecture du sommeil.

La dépression hivernale
(trouble affectif saisonnier) (SAD)

L’Horloge Interne est en retard de phase par rapport à l’Horloge Externe. Ceci résulte essentiellement d’une privation de lumière matinale en hiver. Ce trouble touche tout particulièrement les expatriés provenant de pays ensoleillés. Il se caractérise par une hypersomnie matinale, une hypersomnolence diurne et une appétit accru pour les sucres et les graisses.

Les troubles du rythme liés à la cécité

L’Horloge Interne est désynchronisée par rapport à l’Horloge Externe. Ceci est causé par l’absence totale du cycle lumière/obscurité comme synchroniseur externe (chez les aveugles dont le système photique est, tout comme le système visuel, inopérant).
Ce trouble se caractérise par l’alternance en libre cours du cycle veille/sommeil.


La chronothérapie

Grâce aux efforts de recherche en chronobiologie fournis au cours des 30 dernières années, on dispose aujourd’hui d’outils qui permettent de remonter l’Horloge Interne comme on le ferait avec une montre-bracelet. La chronothérapie est la mise en œuvre de ces différents outils, à des moments critiques de la journée (décidés en fonction du type de trouble et de certaines caractéristiques du patient).

Voici les outils les plus utilisés :

L’HORAIRE VEILLE / SOMMEIL : modification des habitudes Veille/Sommeil, afin de favoriser les déphasages souhaités.

LA LUMINOTHERAPIE (NATURELLE OU ARTIFICIELLE) : action sur l’axe hypothalamus/glande pinéale, afin de provoquer les déphasages souhaités.

L’EVITEMENT DE LA LUMIERE DU JOUR : idem.

LA VITAMINE B12 : substance photosensibilisante permettant de maximiser l’action de la luminothérapie.

LA MELATONINE : action directe sur l’Horloge Biologique (Noyau Supra Chiasmatique), afin de provoquer les déphasages souhaités.

L’EXERCICE PHYSIQUE : action sur le métabolisme, la température
corporelle et l’Horloge Biologique, afin de favoriser les déphasages souhaités.

LA TEMPERATURE CORPORELLE : action sur la température corporelle (par l’intermédiaire du
bain chaud, p. ex.) afin de favoriser le sommeil ou l’éveil.

L’HYGIENE DE SOMMEIL : respect des règles de bon sommeil, afin de ne pas aggraver le trouble circadien.

LA CHRONODIETETIQUE : modification des habitudes alimentaires, afin de favoriser les déphasages souhaités et de réduire les troubles gastro-intestinaux.

LES HYPNOTIQUES A COURTE DUREE D’ACTION : réduction de la privation de sommeil par induction de sommeil lors de périodes où l’Horloge Biologique active la vigilance.


La luminothérapie

La luminothérapie est issue de la découverte, d’abord chez le rongeur et ensuite chez l’être humain, des « courbes de réponse phase ». Il s’agit de courbes qui indiquent l’amplitude et la direction des déphasages de l’horloge biologique (qui régule la veille et le sommeil), en réponse à l’exposition à un stimulus lumineux ad hoc, en fonction du moment du nycthémère (les 24 heures d’une journée) durant lequel le stimulus est présenté. Ultérieurement, on a également découvert des courbes de réponse à la mélatonine et à l’exercice physique.

Le stimulus lumineux en question peut être soit la lumière du jour, soit un dispositif artificiel respectant des critères d’intensité, de longueur d’onde et de durée. On a pu ainsi montrer que, chez l’homme, une illumination ad hoc autour du crépuscule occasionne un retard de phase maximal. Alors qu’à l’inverse, une illumination autour de l’aube provoque une avance de phase maximale. Autrement dit, celui qui souhaite s’endormir plus tard bénéficiera d’une luminothérapie en début de soirée. Et celui qui souhaite s’endormir plus tôt bénéficiera d’une luminothérapie assez tôt le matin. L’illumination en plein jour ne provoque aucun déphasage - la luminothérapie en journée est donc inopérante. Et l’illumination au cours de la nuit, plus rapprochée du point d’inflexion de la courbe de réponse, provoque des déphasages aux directions incertaines - la luminothérapie nocturne est donc risquée.

Sur le plan neurologique, la luminothérapie suit un circuit assez complexe. La rétine, surtout dans sa partie inférieure, contient des récepteurs photiques, distincts des récepteurs visuels. Ces récepteurs réagissent soit à une vive lumière blanche, soit à une lumière bleue qui peut être de moindre intensité. Ils fonctionnent sur le mode du tout ou rien. Si l’illumination est supraliminaire, la période nycthémérale est perçue comme le jour. Dans la situation inverse, elle est perçue comme la nuit. L’information parcourt un premier segment du nerf optique, puis s’en écarte, empruntant alors les voies dites rétino-hypothalamiques. L’information parvient donc à l’hypothalamus, une structure neurologique sise au centre du cerveau (qui se charge de la régulation générale du corps). Plus précisément, elle aboutit à son noyau supra-chiasmatique, siège de l’horloge biologique principale (horloge Y), laquelle régule la veille et le sommeil. En conditions naturelles, cette information permet de resynchroniser Y (qui est aussi appelée l’horloge faible, car elle se dérègle facilement). L’information reçue indique donc à l’horloge biologique si dehors c’est la nuit ou le jour. En condition de luminothérapie, l’information reçue va permettre - selon la pathologie à traiter - soit d’avancer le cycle (en trompant l’horloge, lui faisant croire que c’est déjà le jour dehors - alors que c’est encore la nuit), soit de reculer le cycle (en faisant croire à l’horloge que c’est déjà la nuit dehors - alors que c’est encore le jour). L’horloge Y ayant intégré cette nouvelle information, elle l’envoie alors à la glande pinéale.

Ici débute la portion hormonale du circuit. Lorsque la glande pinéale reçoit l’information « c’est la nuit », elle se met à secréter de la mélatonine, l’hormone de l’obscurité. A l’inverse, lorsqu’elle reçoit l’information « c’est le jour », elle cesse d’en synthétiser. La mélatonine est donc une véritable hormone « vampire », puisqu’elle fuit devant la lumière ! Comme toute hormone, elle est déversée dans la circulation sanguine. Et à partir de ce moment-là, à l’image d’un boomerang, c’est l’horloge biologique qu’elle prend pour cible ! La mélatonine va alors jouer le rôle d’horloge parlante. Si elle imprègne l’hypothalamus, Y a la confirmation que c’est bien la nuit dehors. Si elle ne l’imprègne pas, c’est donc que c’est le jour. L’horloge biologique est donc remontée par deux fois : une première fois par la voie nerveuse et une seconde fois par la voie humorale.

Ainsi réglée, Y peut dès lors envoyer l’information aux centres de commande du sommeil et de l’éveil, dans la formation réticulée du tronc cérébral. Et, enfin, du sommeil ou de l’éveil pourra alors être généré au sein du cortex cérébral.


© Roland Pec | | Plan du site |

Réalisation : Mieux-Etre.org