Chronique de juin 2011 Bayer* aux corneilles

Le Dr Walusinski, médecin aux Enfants-Malades à Paris, a organisé l’année passée la première conférence internationale sur le bâillement ! Cela peut faire sourire, pourtant ce comportement est fort sérieux… et non moins mystérieux.


Le bâillement est un mécanisme involontaire, irrépressible, impliquant de nombreux muscles. Ces muscles sont dits « contradictoires » : les uns ouvrent la bouche alors que les autres la ferment. Il est, par conséquent, impossible de se forcer à bâiller.

On bâille en trois étapes : d’abord une inspiration profonde (bouche ouverte), ensuite un blocage de la respiration, enfin une expiration lente (et bruyante). Une sensation de bien-être apparaît alors le plus souvent, traduisant la libération d’endorphines (les morphines internes).

Le célèbre somnologue florentin Salzarulo a mis en évidence le caractère circadien du phénomène. Les lève-tôt bâillent peu le matin et beaucoup le soir, alors que les couche-tard bâillent beaucoup le matin, peu en fin d’après midi et beaucoup tard dans la soirée !

L’être humain commence à bâiller à partir de 12 semaines de vie utérine ! Sur le plan embryologique, il existe un parallélisme entre bâillement et réflexe de succion : mêmes muscles et même âge d’apparition. Sur une vie, nous bâillons environ 250 000 fois !

Le bâillement est un réflexe archaïque — généré par la partie le plus ancienne de notre cerveau (l’archicortex) — que nous partageons avec la plupart des vertébrés (y compris les oiseaux, les reptiles et même les poissons, mais pas les girafes, curieusement). Il apporte ainsi, en toute logique, un avantage sélectif.

Oui, mais lequel ?

Son rôle n’est pas totalement élucidé. Le bâillement est lié aux moments de transition entre les états de sommeil et de vigilance. Ce faisant, il agirait comme un signal anti-sommeil  : une alarme provoquée par la survenue d’une somnolence trop importante. Renforçant le tonus musculaire, il permettrait, ainsi, soit de se ressaisir, soit de se préparer au coucher. Il est, d’ailleurs, souvent associé à des étirements, surtout le matin (l’association des deux étant baptisée pendiculation).

Mais les bâillements se produisent également lors de la régulation de la sexualité et de l’alimentation. Lors d’une hypoglycémie, par exemple. Par conséquent, le bâillement est actuellement perçu, sur un plan très général, comme une extériorisation des processus homéostatiques qui régulent les comportements de survie (vigilance, sexualité et alimentation).

Et d’autres hypothèses existent également, comme celle — assez cocasse — du refroidissement du cerveau (Gallup, 2007) !

Les bâillements peuvent aussi être liés à des conditions pathologiques. Ils peuvent, par exemple, accompagner le mal des transports ou annoncer une migraine. Des salves de bâillements peuvent également être générées par une intoxication médicamenteuse. Et les parkinsoniens ne bâillent plus !

Enfin, le bâillement est contagieux ! Par le processus de réplication comportementale (ou échokinésie). Nous partageons cette aptitude avec les chimpanzés. La réplication est un processus qui permet la synchronisation efficace de l’état de vigilance de deux individus. Elle participe, ainsi, d’une forme de communication sociale non verbale, d’une empathie instinctive.

… et même la lecture d’un texte sur le bâillement peut déclencher le bâillement !

* Bayer = avoir la bouche ouverte (en vieux français).


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