Chronique de juin 2016 Rêves hypnopompiques contre rêves hypniques Rêves hypnopompiques (troisième partie)

Nous l’avons vu lors des deux précédentes chroniques, la thèse hypnopompique est très séduisante. Seulement, voilà : elle est contredite par les résultats des expériences menées sur le rêve lucide par Stephen LaBerge !


Ce psychophysiologiste américain étudie ce type de rêve depuis le début des années 1980, à Stanford, la prestigieuse université privée sise dans la charmante localité de Palo Alto, en Californie du Nord (incidemment, y niche, également, le tout premier centre de sommeil à visée clinique, celui où fut découvert, en 1976, le syndrome d’apnées du sommeil).

Rappelons, tout d’abord, qu’un rêve lucide est un songe au cours duquel le rêveur sait pertinemment qu’il est en train de rêver. Ce type de rêve concernerait à peu près 20 % de la population.

Voilà où le bât blesse. LaBerge s’étant aperçu qu’il pouvait apprendre à un rêveur lucide à signaler le début et la fin de son rêve (par des mouvements oculaires convenus), il a découvert que la durée subjective du rêve (rapportée par le rêveur) correspondait, plus ou moins, au temps écoulé entre deux signaux (mesuré au cadran de son chronographe) ! Preuve irréfutable, s’il en est, que le rêve est bien généré au cours du sommeil — dans la durée — et non au moment de l’éveil — dans l’instant !

Dans le même ordre d’idées, les rêves associés à un « trouble du comportement au cours du REM » (REM Behavior Disorder — RBD) sont indubitablement de nature hypnique. En effet, dans cette pathologie (presque toujours associée à la maladie de Parkinson) — qui permet de visualiser le rêve d’un dormeur à travers l’observation de son comportement —, le songe est agi online, tout au long d’un épisode de REM (en temps réel, donc, comme dans Le train sifflera trois fois, le film de Fred Zinnemann [1952], modèle du genre ; ou, plus près de nous, dans la série télévisée 24 heures chrono).
Au cours des années 1960, des neurobiologistes (dans le laboratoire de Michel Jouvet, notamment) avaient déjà observé ce type de phénomène chez des animaux de laboratoire dont le locus cœruleus alpha (la petite structure cérébrale responsable de la paralysie pendant le REM) avait été volontairement lésé.

Une fois de plus, nous nous enfonçons dans les sables mouvants oniriques de la contradiction…

Une manière d’y voir plus clair, de s’extraire de la confusion, est d’admettre l’idée — toute simple, en vérité — que le rêve n’est pas une réalité homogène. Qu’il existe, au demeurant, plusieurs types de rêves.

Certains songes seraient de nature hypnique — comme le sont, manifestement, les rêves lucides et ceux liés au RBD (tous deux étant associés à une forme particulière de REM ¹) —, alors que d’autres seraient de nature hypnopompique — comme le sont, incontestablement, les rêves de guillotine ou de réveille-matin !


¹ En ce qui concerne le rêve lucide : REM tonique (c.-à-d. avec peu de mouvements oculaires) de fin de nuit (ce qui est inhabituel), dont l’activité cérébrale est composée d’ondes alpha (caractéristiques de l’état d’éveil, avec une fréquence plus rapide que celle des ondes typiques du REM [les ondes thêta]), anormalement nombreuses et amples (aspect hypervolté du signal EEG), doublées de certaines ondes spécifiques de la prise de conscience (les ondes gamma).


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