Le capteur de rêves joue un rôle de filtre, tantôt actif, tantôt passif.
Sa mission consiste tant à protéger le dormeur contre l’assaut des mauvais rêves qu’à attirer à lui — puis à laisser passer — les bons rêves, ce pourquoi il s’appelle « capteur ». Appellation trompeuse, donc, puisqu’il opère tant une captation qu’une rétention !
Il fut inventé pour aider les papooses (les enfants), bien sûr, mais les parents — la squaw, et son cueilleur-chasseur-guerrier de mari — ne sont généralement pas en reste.
En voici le fonctionnement (chez les Ojibwés, du moins).
La captation des bons rêves¹, en provenance du monde extérieur invisible, est réalisée à l’aide des pierres de couleur ornant le réseau de cordes. Une fois les bons rêves attrapés, ils resteront captifs des plumes aussi longtemps que nécessaire. Puis, à l’instant T, ils passeront à travers le « tamis », en son centre, et seront, dès lors, instillés dans la psyché du dormeur. Ici le filtre se montre donc actif.
La rétention des mauvais rêves, toujours en provenance de l’autre monde, est assurée, quant à elle, par l’entrelacs de cordes formant comme une toile d’araignée infranchissable. Sans ce dispositif salutaire, les mauvais rêves s’infiltreraient, à leur aise, dans l’esprit du dormeur ! À la fine pointe de l’aube, prisonniers de la toile tels de vulgaires moucherons, les mauvais rêves finissent par être brulés par les premiers rayons du soleil ! Ici le filtre se montre donc passif.
In fine, grâce aux bons offices du capteur-rétenteur, seuls les bons rêves passent… comme dans la chanson Laissez passer les rêves, de Michel Berger (sauf que les rêves dont nous parlons ici sont morphéiques, alors que ceux de la chanson sont faits à l’état d’éveil, bien sûr : ce sont des désirs).
Les Amérindiens du Canada résument la situation de la sorte : « Il faut rêver, oui, mais rêver bien ! »
¹Ainsi que des bonnes visions : les visions de l’enfant peuvent lui montrer la grande personne qu’il deviendra plus tard, ou l’animal qu’il choisira pour totem (encore un mot ojibwé) ; au chasseur, elles montreront l’endroit où trouver du gibier, par exemple.