Depuis la naissance de l’onirologie (la science qui étudie les rêves), dans la seconde moitié du XIXe siècle, les hypothèses concernant l’origine des rêves se sont succédées… et opposées. Petit focus sur trois d’entre elles : les modèles réactionnels, hypnopompiques et hypniques.
Sous le couperet de la guillotine : le modèle réactionnel
Une nuit, Alfred Maury, un esprit encyclopédique de son temps (historien et archéologue de son état), fait un rêve : « Je rêve de la terreur ? ; j’assiste à des scènes de massacre, je comparais devant le tribunal révolutionnaire, je vois Robespierre, Marat, Fouquier-Tinville, toutes les plus vilaines figures de cette époque terrible ? ; je discute avec eux ? ; enfin, après bien des événements que je ne me rappelle qu’imparfaitement, je suis jugé, condamné à mort, conduit en charrette au milieu d’un concours immense, sur la place de la révolution ? ; je monte sur l’échafaud, l’exécuteur me lie sur la planche fatale, il la fait basculer, le couperet tombe ? ; je sens ma tête se séparer de mon tronc ? ; je m’éveille en proie à la plus vive angoisse ? ; et je me sens sur le cou la flèche de mon lit [à baldaquin] qui s’était subitement détachée, et était tombée sur mes vertèbres cervicales, à la façon du couteau d’une guillotine… ».
Dans la foulée — quelques dizaines d’années d’observations et d’études expérimentales plus tard, tout de même —, il rédige Le sommeil et les rêves, publié en 1861, ouvrage dans lequel il expose sa théorie (ouvertement inspirée de celle de l’abbé Richard [La théorie des songes, 1766]) : le rêve est le produit d’une réaction mentale aux divers stimuli auxquels le dormeur est soumis.
Stimuli internes : une zone du corps qui se manifeste sous la forme d’une sensation (désagréable, la plupart du temps : douleurs gastro-intestinales, douleurs articulaires, pression vésicale, soif, narines bouchées, gorge irritée, etc.)
Et stimuli externes, captés dans l’environnement par les organes de sens : l’ouïe (une porte qui claque, le bruit du vent, de la pluie), la vue (la lumière parvient, en effet, à traverser les paupières closes), l’odorat, une sensation de refroidissement ou de réchauffement (liée, par exemple, à une partie du corps qui se dénude ou se recouvre, à la suite d’un changement de position), le tact (une pression, du fait d’un mouvement), la nociception (la douleur engendrée par une piqûre de moustique, une sensation d’étouffement lorsque la tête se retrouve sous les draps… ou, pourquoi pas, la douleur entraînée par la flèche d’un lit à baldaquin venant à l’instant de choir sur la nuque ?!), etc.
Une modélisation du rêve qui peut donc être qualifiée de réactionnelle.
Dans son ouvrage, Maury rend compte des innombrables expériences de stimulation sensorielle réalisées durant le sommeil de ses sujets expérimentaux. De bonne grâce, ceux-ci se sont pliés — avec un don de soi qui force le respect — au moindre de ses caprices… Des lèvres et des nez furent ainsi chatouillés à l’aide d’une plume, des oreilles furent titillées par l’affutage d’une paire de ciseaux sur une pincette, des fronts furent aspergés de gouttelettes d’eau, des nuques furent légèrement pincées, des visages furent approchés par un fer à repasser brûlant, des narines furent taquinées par des effluves d’eau de Cologne, etc. Maury ne ménagea ni ses efforts ni son imagination pour étayer sa théorie. Il l’a d’ailleurs fait avec tant de sérieux que certains voient en lui le père de l’onirologie moderne.
Cependant, après avoir examiné la chronologie des faits (rapportée par l’intéressé lui-même), la somnologie actuelle tend à démontrer que le « rêve » de la guillotine n’en était probablement pas un ?! Il s’agissait plutôt d’une hallucination hypnagogique — notion au demeurant fort bien connue de Maury (il confiait même y être particulièrement sujet) —, ce qui est tout à fait différent. L’hypnagogue est le terme scientifique qui est utilisé pour désigner l’endormissement. Lorsqu’on bascule de l’éveil calme les yeux fermés (activité cérébrale marquée par la présence d’un rythme alpha, un train d’ondes relativement rapides) vers l’endormissement (ou « stade 1 de sommeil », caractérisé par un rythme thêta, un train d’ondes légèrement plus lentes), le terrain neuro-psycho-physiologique se fait alors propice aux fausses perceptions. Les études de Delphine Oudiette (2012) tendent d’ailleurs à montrer que 100 % des sujets interrompus (c’est-à-dire « réveillés ») en stade 1 de sommeil rapportent des hallucinations ?! Ces dernières peuvent intéresser la modalité visuelle, auditive, olfactive, gustative… mais les plus marquantes (et de loin) procèdent du registre proprioceptif, lequel a trait à la perception de la position du corps dans l’espace, du tonus musculaire et de la gravité¹. L’apparition d’hallucinations hypnagogiques s’explique, notamment, par le fait que les neurones modulateurs (qui utilisent la noradrénaline et la sérotonine) sont encore actifs en stade 1 de sommeil (alors qu’ils ne le seront plus à partir du stade 2, le sommeil léger). Une hypothèse alternative se base sur le fait qu’un changement de l’activité thalamique (le thalamus est une paire de noyaux de substance grise, enfouie dans la substance blanche du cerveau, véritable hub cérébral) précède, de plusieurs minutes, l’apparition de l’activité thêta dans le cortex cérébral : cette « asynchronie thalamo-corticale » pourrait être la clé desdites hallucinations.
Pourquoi une hallucination hypnagogique, et non pas un rêve ?? Parce que le premier rêve véritable (celui dont on peut se souvenir et faire le récit) ne se produit, classiquement, que 90 minutes après l’endormissement… lorsque la première phase de sommeil paradoxal apparait¹. Or le « rêve » de la guillotine ne s’est produit, Maury est formel, que quelques minutes, seulement, après l’endormissement ?!
Une hypothèse alternative, plaidant la cause du rêve (et à ma connaissance non évoquée par la somnologie), serait que Maury souffrait, en réalité, d’une forme discrète de narcolepsie (sans « cataplexie », bien sûr, la chute brutale et spectaculaire du tonus musculaire) : une pathologie du sommeil entraînant l’apparition d’un… sommeil paradoxal d’endormissement ! Cette hypothèse permettrait, en outre, d’expliquer pourquoi l’activité mentale hypnagogique en question ressemble en fait à s’y méprendre à un rêve : un scénario élaboré, un enchaînement cohérant de scènes… un « film », et non une simple succession de « photos », mises bout à bout ?! Autre hypothèse, encore : c’est la fièvre qui serait à l’origine de ce rêve très précoce…
Quoi qu’il en soit, depuis le milieu des années 1950, les somnologues ont appris que, quels que soient les stimuli auxquels le dormeur est soumis, le rêve est — selon l’expression humoristique de Rechtschaffen¹ — un processus monomaniaque : une mécanique parfaitement huilée, une véritable mule ?! Soumis à quelque influence que ce soit — interne ou externe —, le scénario onirique ne dévie que très peu de sa route propre… de son tao ?!
Dans les années 1950-1960, Dement, le successeur de Kleitman (le premier somnologue de l’histoire digne de ce nom), à Chicago, s’est amusé à refaire les expériences de Maury. Il s’est aperçu, alors, que si certains stimuli pouvaient être, en effet, incorporés dans la trame onirique, jamais, en revanche, ils ne parvenaient à créer l’intrigue elle-même.
Dans son autobiographie (Juste une dernière chose, 2006), Peter Falk, l’acteur qui a si bien incarné l’inspecteur Columbo à la télévision, pendant presque quarante ans, raconte que, en ce qui concerne l’intrigue des épisodes, personne sur le plateau n’avait le droit de se substituer aux scénaristes. En revanche, chacun — acteurs, figurants, techniciens, artisans, ouvriers, etc. — était encouragé à proposer des idées d’indices, d’alibis, de contextes socioprofessionnels, de décors, de costumes, etc., lesquelles allaient pouvoir venir enrichir avantageusement le récit… la trame narrative restant, pour sa part, strictement monomaniaque.
Malgré ces réserves émises sur la nature réactionnelle des rêves, et même jusque sur la nature véritablement onirique de ces derniers, il n’en reste pas moins que l’épisode du lit à baldaquin continue à fasciner la somnologie contemporaine… Car il implique une seconde hypothèse, déduite de la première, et déjà envisagée par Maury, d’ailleurs. Cette seconde hypothèse pourrait être qualifiée d’hypnopompique… l’hypnopompe étant le terme scientifique utilisé pour désigner le réveil.
Goblot « pompe » le modèle hypnopompique
En 1896, Edmond Goblot, philosophe et logicien français, reprend à son compte — trente-cinq ans après, donc — le modèle hypnopompique initialement proposé par Maury. Si l’image et la sensation d’un couperet lui tranchant le cou étaient venues clôturer le rêve du proto-onirologue, et si ce funeste épilogue avait fait suite à une vive douleur ressentie au niveau de la nuque (du fait de la chute inopinée d’une flèche du baldaquin suspendu au-dessus du lit), le rêve tout entier ne pouvait alors avoir été fabriqué qu’après que se soient produites et la chute de la flèche et la douleur consécutive à la nuque (nociception) ?! Et puisque cette douleur avait provoqué, par la même occasion, le réveil immédiat du dormeur, c’est en ce réveil qu’il fallait se résoudre à voir, finalement, le véritable auteur du rêve.
Le modèle hypnopompique (relatif au réveil, donc) permet d’expliquer, par exemple, l’occurrence des « rêves réveille-matin », ces songes dont l’intrigue toute entière doit son existence au déclenchement d’une véritable sonnerie de réveille-matin (la stimulation éveillante)… et se conclut par une « hallucination » de sonnerie.
Dans le modèle originel, Maury avait imaginé une genèse onirique ultra-rapide, de l’ordre de la milliseconde, dès le primo-déclenchement du réveil. Pour Goblot, en revanche, il s’agit d’un processus beaucoup plus lent et progressif. À l’image du réveil lui-même, du reste, qui est, tout comme l’endormissement, un processus généralement graduel, susceptible de s’étaler sur une période d’une demi-heure, ou même plus¹.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Au cours du XXe siècle, la théorie hypnopompique va séduire un nombre croissant d’onirologues distingués.
À commencer par le philosophe et cognitiviste américain Daniel Dennett, pour qui le réveil ne fait que piocher dans une banque de rêves préexistants. C’est la théorie dite « de la cassette » (on parlerait plus volontiers, aujourd’hui, de Blu-ray, voire de streaming). Selon ce modèle « cinématographique », les films oniriques seraient tournés bien avant que le réveil ne se produise. Et une onirothèque rassemblerait l’ensemble de l’œuvre proposée par la division home des studios DreamWorks du rêveur (lesquels n’auraient rien à envier à ceux de Spielberg !) Cette théorie permettrait d’expliquer l’extrême rapidité avec laquelle un rêve complexe surgit, parfois, au moment du réveil… comme s’il n’avait plus qu’à se déplier.
Même crédo pour Jean-Pol Tassin, neurobiologiste et cognitiviste français. Selon sa propre formule, « L’éveil crée le rêve, bien plus qu’il ne l’interrompt » (Le rêve naît de l’éveil, 1999).
Afin de bien saisir le ressort de sa formalisation relativement sophistiquée, le mieux est, je pense, de faire appel à cette découverte, stupéfiante, de la physique quantique : c’est l’observation dont elle fait l’objet qui permet à la particule élémentaire de se montrer telle qu’elle est ?! Un bon exemple de ce phénomène est le spin de l’électron (son sens giratoire), lequel ne se décide à être « lévogyre » (il tournera vers la gauche), ou « dextrogyre » (vers la droite), que par la grâce de l’observation dont cet électron aura fait l’objet… en deçà de cet acte fondateur, le spin reste, virtuellement, indéterminé (on dit également « indécidable ») ?!
Vous l’aurez compris, Tassin pense qu’il en est exactement de même pour le rêve : sans le réveil pour l’observer, le rêve reste indéterminé, « indécidable » ?! Tel un film gravé sur un disque Blu-ray que personne ne sort de son boitier, ou un film sur une plateforme de streaming que personne ne s’en va « pécher ». Car Tassin est convaincu, lui aussi — à l’instar de Dennett, et contrairement à Maury et Goblot —, qu’une information mnésique préexiste, dans une sorte de méga-répertoire regroupant l’ensemble du matériel onirique disponible. Mais le cognitiviste ajoute une étape à l’opération : pour pouvoir être « révélé » par le réveil, le rêve — encore à l’état de virtualité — doit, au préalable, avoir été choisi, puis activé… et ce uniquement au cours d’une phase de sommeil paradoxal. De sorte que, lorsque le réveil¹ finit par se produire (quel que soit le stade de sommeil dans lequel il se produit), il ne fasse plus que libérer une information déjà vitalisée. En moins d’une seconde, le réveil se charge, alors, de mettre le rêve au monde : accouchement par césarienne ?! Dans la terminologie Tassinienne, le cerveau passe, brusquement, d’un mode analogique à un mode cognitif ².
In fine, un rêve serait donc généré en trois temps.
Le premier temps serait celui de l’engrammage¹ du matériel onirique, dans un répertoire prévu à cet effet. Soit la « conception » du rêve… au cours d’un état de vigilance (éveil, sommeil orthodoxe, sommeil paradoxal) non explicité par l’auteur, notons-le.
Le deuxième temps serait celui de la sélection, puis de l’activation du rêve en devenir. Soit le « développement in utero » du rêve… au cours du sommeil paradoxal exclusivement.
Le troisième temps, enfin, serait celui de la délivrance. Soit l’« expulsion » du rêve, sa naissance proprement dite, au sein de n’importe quel stade de sommeil… avec l’aide de l’obstétricien de service : le réveil brusque (et ses neuromodulateurs spécifiques — les monoamines —, indispensables tant à la fabrication d’un scénario qu’à la mémorisation de ce dernier), lequel déclenche le mode cognitif.
Freud était persuadé que le rêve avait pour principale fonction de permettre au dormeur de rester endormi, dès lors que le sommeil était menacé.
Pour Tassin, il permet au dormeur de se rendormir aussitôt.
« Patates et pommes de terre », comme diraient les Autrichiens (à commencer par Freud, lui-même) ?!
Je confesse, personnellement, un gros penchant pour la thèse hypnopompique. Elle prend le problème à rebours — par le petit bout de la lorgnette —, ce qui ajoute, indubitablement, à son pouvoir de séduction.
Rêves hypnopompiques vs rêves hypniques
Le modèle hypnopompique supposant l’intervention d’un réveil brusque (façon Maury, Dennett ou Tassin) est contredit, toutefois, par une découverte réalisée par Stephen LaBerge, lors de ses expériences sur le rêve lucide.
Ce psychophysiologiste américain étudie la lucidité onirique depuis le début des années 1980, à Stanford, la prestigieuse université privée sise dans la charmante petite localité californienne de Palo Alto, au cœur de la Silicon Valley (c’est également là que vit jour le premier Centre de sommeil à visée strictement clinique, et là, encore, que fut découvert le syndrome d’apnées du sommeil, en 1976).
Un rêve lucide est un songe au cours duquel le dormeur sait pertinemment qu’il est en train de rêver. Les rêveurs lucides représentent environ 20 % de la population.
Voilà où le bât blesse.
LaBerge s’étant aperçu qu’il pouvait apprendre à certains rêveurs lucides à signaler le début et la fin d’un rêve (par des séquences préétablies de mouvements oculaires), il découvrit que le temps écoulé entre deux signaux n’était pas de l’ordre de la seconde (comme prédit par les modèles de Maury et Cie), mais qu’il correspondait, tout simplement, à la durée subjective du rêve ?! Ce qui indiquait, clairement, que le rêve était bel et bien généré au cours du sommeil, dans la durée, en temps réel (comme dans Le train sifflera trois fois, modèle du genre au cinéma [Fred Zinnemann, 1952]), et non au détour d’un réveil brusque, dans l’instant.
Fort heureusement pour ses aficionados, la version du modèle à réveil progressif (façon Goblot) pouvait encore être défendue… d’autant que le rêve lucide ne se produit qu’au sein d’un sommeil paradoxal assez atypique, mâtiné d’éveil ?!
Mais en 1986, la découverte du trouble du comportement au cours du sommeil paradoxal (REM Behavior Disorder, RBD), par Carlos Schenck et Mark Mahowald (Université du Minnesota, Minneapolis), allait porter un coup fatal à la thèse hypnopompique dans son entièreté ?! En effet, dans cette pathologie marquée par un défaut d’inhibition motrice en sommeil paradoxal, les songes sont agis « online », tout au long d’un épisode de sommeil paradoxal. Et à moins de supposer que le sommeil paradoxal ne serait rien d’autre, en définitive, qu’une forme particulière de réveil progressif — ce qui n’est pas tout-à-fait exclu, d’ailleurs (d’autant que le RBD ne se produit, lui aussi, qu’au sein d’un REM atypique) —, même la thèse d’un Goblot finit, ici, par capoter ?!
Nous nous enfonçons, de plus en plus, dans les sables mouvants de la contradiction…
Une manière d’y voir plus clair, de s’extraire de la mélasse conceptuelle, est d’admettre l’idée, toute simple en vérité, que le rêve n’est pas une entité homogène, qu’il existe, au demeurant, plusieurs espèces de rêves.
Ainsi donc, certains songes seraient de nature hypnique — comme le sont, de manière manifeste, les rêves lucides et ceux des patients souffrant d’un RBD (sachant que les uns comme les autres pourraient tout aussi bien signaler la présence d’un réveil progressif sous-jacent) —, alors que d’autres seraient de nature hypnopompique, comme le sont, de manière tout aussi manifeste, les rêves de guillotine ou de réveille-matin.
Petite note épistémologique
Une considération philosophique en guise de conclusion.
Selon les philosophes du Cercle de Vienne (premier tiers du XXe siècle) — et contrairement aux sciences naturelles qui sont taxées de « dures » —, les sciences humaines sont — à l’instar des célèbres Montres de Dalí — désespérément « molles » ?! Puisque chaque individu est unique, aucune loi intangible ne prévaut en la matière. Au mieux, l’outil statistique permet de dégager certaines tendances, dites plus ou moins « significatives » (incidemment, voilà pourquoi les statistiques occupent une telle place dans le cursus des études de psychologie… au grand dam des étudiants).
Mais comme le rappelle, fort à propos, ce mot d’esprit, en forme de chiasme : « Les statistiques, c’est comme les bikinis : ce qu’elles révèlent est suggestif, ce qu’elles cachent est essentiel » ?! Avec les sciences molles, c’est toujours la même histoire : il y a, indéfiniment, matière à interprétation, discussion, controverse…
À cette mollesse, se greffe une difficulté méthodologique supplémentaire, propre à l’onirologie : le rêve est un objet inobservable per se ?! À l’image du paléontologue qui ne dispose, pour reconstituer l’être vivant disparu, que de quelques fragments de squelette fossilisés, et (avec un peu de chance) d’une ou deux empreintes gravées dans la roche, l’onirologue est contraint, lui aussi, de reconstituer le rêve à partir de ses restes : le souvenir que le rêveur en garde au réveil (et qu’il a grandement intérêt à consigner par écrit au plus vite, s’il ne veut pas tout oublier) et, finalement, le récit que ce souvenir autorise.
L’onirologie invite, assurément, à beaucoup d’humilité.