Chronique de novembre 2020 Le boudoir mental (Muse inspiratrice, partie 1)

Pour les Romantiques, au XIXe siècle, le rêve n’est plus un outil de connaissance et de compréhension de soi, mais bien un véhicule permettant de faire l’expérience singulière d’un monde plus vrai et plus profond que celui de la veille.


Il permet d’« ouvrir les portes de la perception », pour reprendre la célèbre expression de William Blake, poète et peintre pré-romantique (expression reprise ensuite par Aldous Huxley… puis, bien sûr, par les Doors). Ce glissement sémantique transparait, par un exemple, dans les œuvres des peintres symbolistes (comme Léon Spilliaert ou Fernand Khnopff, pour prendre des cas typiquement belges), qui apparaissent à la fin du XIXe siècle, et s’imposent jusqu’à la Première Guerre mondiale.

Dans la même optique, une croyance reprend du poil de la bête : celle du rêve comme source d’inspiration.

Dans le modèle platonicien de la vacance de l’âme, l’inspiration surgit dans les moments de dépossession de soi… le sommeil et le rêve figurant au rang des plus significatifs. Cette croyance avait fait florès au cours de l’Antiquité… et s’était déjà offert un premier come-back à la Renaissance. En ces temps, son champion incontesté était François Ier de Médicis, grand-duc de Toscane, dit « le prince rêveur ». Selon ce féru d’alchimie, le rêve était un formidable espace de liberté et de créativité. Pour son mariage avec Jeanne d’Autriche, le 2 février 1566, il donna une fête nocturne mémorable consacrée au monde onirique : La Mascarade ou Le Triomphe des rêves (immortalisée en 1571 dans un tableau peint par Giovan Battista Naldini : Allégorie des rêves, exposé au Palazzo Vecchio, à Florence, et reproduit ci-dessus).

Et c’est le processus d’incubation qui était, alors, avant tout, visé : la résolution des problèmes épineux (autrement dit la créativité) par le recours aux ressources mentales dissimulées dans ce « boudoir de l’esprit » que constituent tant le sommeil — entre conscience et inconscience — que le rêve — entre éveil et sommeil¹. Ce que la sagesse populaire exprime, de nos jours, par des formules telles que : « Je vais dormir dessus », « La nuit porte conseil », etc.


¹Aux temps antiques, la notion d’incubation allait encore plus loin : elle ne désignait rien moins que la guérison par le sommeil ! Il s’agissait d’aller dormir près d’un temple, de préférence dévolu à Asclépios/Esculape (dieu gréco-romain de la médecine) — l’ancêtre mythique d’Hippocrate —, dans le but d’obtenir, en rêve, les prescriptions du dieu guérisseur.


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