Chronique de mai 2024 L’ambition démesurée de l’onirologie (Le rêve, objet psychophysiologique per se, partie 2)

Il nous faut redonner vie à l’encyclopédiste.


Reprendre à notre compte tant son humilité (puisque l’objectif est de ne connaître qu’à peu près rien) que sa quête grandiose (sur à peu près tout) ! Car, oui, l’onirologie — la science qui étudie les rêves — a, bien entendu, une ambition démesurée (« Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles » [Oscar Wilde]) : elle vise la pluridisciplinarité maximale, n’hésitant pas à convoquer, pour cela, la psychologie, la somnologie (la science qui étudie le sommeil), la neurobiologie (la neuroanatomie et la neurophysiologie), la psychothérapie (la psychanalyse, en tête de proue), la philosophie, la symbologie, la sémiologie (la science qui étudie les signes), la philologie (la science qui étudie le langage), la mythologie, la théologie, l’histoire de l’art, la paléontologie, la préhistoire, l’histoire, la géographie, etc.

Le rêve est, par nature, un phénomène complexe, à la fois somatique et psychologique. Pour William James, psychologue américain et fondateur de la psychophysiologie, à la fin du XIXe siècle, le rêve (tout comme le sommeil, d’ailleurs) constitue « un phénomène où l’intrication entre le psychologique et le physiologique est la plus indissociable ».

Il se trouve que cette dualité s’inscrit au cœur même de la double activité de psychologue et de somnologue que j’exerce au quotidien. Chaque jour, en effet, je suis amené à mettre un pied dans la psychologie, à travers la pratique de la psychothérapie et la prise en charge non pharmacologique des troubles du sommeil — en ce compris le travail des rêves —, et un autre dans la physiologie, par le biais de la polysomnographie : l’exploration fonctionnelle (essentiellement électrophysiologique) du sommeil — en ce compris l’analyse du sommeil paradoxal.

À force, il m’est apparu que j’occupais une position privilégiée pour plonger dans cet océan de connaissances pléthoriques, disparates et souvent contradictoires, que constitue l’onirologie… à la rencontre de ce qui reste l’un des plus grands, et derniers, mystères de l’humanité.

Mais la peur de plonger me paralysait. Je craignais d’être submergé par la masse d’informations qui ne manquerait pas de déferler. Jusqu’au jour où un éditeur m’a aidé (bien malgré lui) à surmonter cette phobie de la noyade… en me proposant d’écrire un livre sur la question. C’était en 2011, et sa proposition faisait suite à une émission de radio dans laquelle il m’avait entendu parler des… rêves, bien entendu. Nous ne sommes finalement pas parvenus à nous mettre d’accord, mais la négociation entamée a provoqué chez moi un déclic salutaire. Un processus s’est enclenché… aussitôt encouragé par mon épouse. Et la lourde locomotive s’est, enfin, mise en marche.


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