Selon certains chercheurs, et non des moindres — Allan Hobson et Robert McCarley, en tête (tous deux professeurs de psychiatrie à la célèbre école de Médecine de Harvard) —, le rêve serait, ni plus ni moins, un déchet ! Le détritus des processus morphéiques d’entretien des neurones, la scorie du « vidange/graissage » dont bénéficieraient, chaque nuit, les circuits neuronaux les plus sollicités la veille.
Cette théorie est née à la fin des années 1980, et tient encore le haut du pavé de nos jours. On peut même dire que, avec le temps, Hobson et McCarley sont devenus de véritables leaders d’opinion ! Dans leur approche, vous l’aurez compris, la dimension psychologique est totalement expurgée : seule subsiste la sacro-sainte dimension neurobiologique.
Cette position est loin d’être révolutionnaire, du reste. En 1901, dans Sur le rêve, Freud déplorait déjà que « la plupart des auteurs médicaux n’accordent plus guère la valeur d’un phénomène psychique au rêve. Ce qui est rêvé ne peut pas plus prétendre à un sens et une signification que la suite de sons que produiraient les dix doigts d’un individu totalement ignorant de la musique lorsqu’ils se promènent sur les touches d’un instrument » !
Voici, très succinctement, une description de leur modèle, baptisé « Activation-Synthèse ». À la faveur du REM, les neurones cholinergiques (dont le neurotransmetteur est l’acétylcholine, donc) sont activés… c’est l’aspect « activation » du modèle. Cette activation — responsable, les auteurs le présument, de l’entretien neuronal — stimule le cerveau… lequel ne sait trop quoi faire de cette stimulation. Dans le même temps, la motricité étant bloquée par le REM, le dormeur est incapable de réagir — par des mouvements — à ces stimuli. S’ensuit la « démodulation », l’absence de traitement rationnel desdits stimuli. Le rêve se forme, alors, via la synthèse de contenus mentaux sans signification aucune, résultant des vaines tentatives du cerveau pour donner sens aux stimuli qui lui parviennent… et voilà pour l’aspect « synthèse » du modèle.
Oui, je suis bien d’accord avec vous : dans cette formulation, on ne sait qui de l’abstrait ou de l’abscons l’emporte.
Ce qui est nettement moins abstrait, en revanche, c’est la conclusion qui s’impose, d’elle-même : puisque les rêves ne signifient strictement rien, ils sont juste bons à être jetés à la poubelle ! Ce que nous sommes invités à faire dès le lever, d’ailleurs, ce afin de nous délester au plus vite de cette charge inutile…