Je l’ai expliqué le mois passé, qui dit manipulation, dit communication. Et qui dit communication, dit « son » et « image ». La communication emprunte en effet ces deux canaux : le digital (le verbal) et l’analogique (le non-verbal). Pour commencer, zoom sur l’image.
Manipuler via le langage corporel tient essentiellement en trois mots : regarder, sourire et toucher.
D’intéressantes expériences en psychologie sociale ont été réalisées sur l’influence du regard. Face à une requête de restitution de monnaie « oubliée » par un compère dans une cabine téléphonique, les sujets regardés dans les yeux sont 90% à restituer l’argent, contre 70% dans le cas contraire. Un compère « cherchant » une lentille de contact au sol (situation de requête implicite) est aidé dans 83% des cas lorsqu’il regarde le sujet dans les yeux, et dans 58% lorsqu’il ne le fait pas. L’explication est la suivante : plus une personne nous regarde, plus nous l’évaluons positivement. Plus nous sommes alors poussés à accéder à sa demande ou à l’aider. Plus aussi cette personne paraît dominante, son pouvoir étant d’autant plus grand qu’elle regarde beaucoup lorsqu’elle parle, et regarde peu lorsqu’elle écoute.
L’influence du sourire, elle aussi, a été bien étudiée. On a ainsi découvert que c’est surtout le sourire d’une personne du sexe opposé qui fait de l’effet… Des auto-stoppeuses qui sourient doublent leurs chances d’arrêter des conducteurs hommes ; ce qui n’est absolument pas le cas pour des auto-stoppeurs qui sourient. Et des serveuses souriantes triplent le pourboire donné par les clients… mais n’obtiennent rien de plus des clientes ! Le sourire améliore la perception que nous avons d’une personne. Sur base de photos, les souriants sont jugés plus amicaux, plus intelligents, plus gentils et plus beaux que les non-souriants ; et ceci est d’autant plus vrai lorsque le sourire est découvert (dents apparentes) et large (mâchoires ouvertes). Le sourire améliore aussi l’humeur, ce qui dispose à aider les autres. Un sujet à qui un compère a préalablement souri dans un ascenseur accepte deux fois plus de donner un renseignement à un autre compère (qui n’a pas souri, lui). Enfin, le sourire rend plus familier, ce qui engendre la solidarité. Il est prouvé qu’on aide plus volontiers une personne de sa propre couleur, de son propre milieu social, habillé comme soi et portant le même nom que soi.
L’influence du toucher est la plus étudiée des trois. Son impact est supérieur à l’influence verbale ! Une personne acceptera, par exemple, deux fois plus souvent de garder le chien d’un compère qui « doit » rentrer dans une pharmacie, s’il a été préalablement touché sur l’épaule par le compère. Une étude israélienne montre qu’un client de supermarché accepte de gouter une pizza dans 50% des cas, et l’achète dans 20% des cas. Mais, s’il a été touché sur le bras pendant la requête, les chiffres montent à 80% et 40% ! En ce qui concerne l’explication, être touché rend (entre autres choses) confus et booste l’humeur. Ce qui, on l’a déjà dit, encourage l’aide que l’on peut apporter à autrui. Autre exemple d’aide encouragée par le boostage de l’humeur : dans un « mall » (complexe commercial), une odeur de chocolat ou de pain frais augmente de 30% le taux de personnes qui acceptent de faire de la monnaie à un compère.
Lorsque je vous disais, le mois passé, qu’on ne peut pas ne pas manipuler…