Macrobe, enfin, néoplatonicien du Ve siècle apr. J.-C., compose son Commentaire du Songe de Scipion l’Africain le jeune rapporté par Cicéron¹.
Selon lui, le rêve doit être divisé en cinq catégories, chacune d’elles permettant de prédire l’avenir à sa façon. L’oracle (oraculum) est le message d’une personne vénérable (la divinité, le père, la mère, l’aïeul, le prêtre, etc.) expliquant au rêveur ce qui adviendra, et ce qu’il conviendra, dès lors, de faire. La vision « spectrale », ou « crépusculaire » (visum)², est un aperçu de l’avenir, une apparition parcellaire, le pendant approximatif et imagé de l’oracle (lequel est discours). La vision « précise » (visio)² est l’image claire de l’avenir. Le rêve issu des soucis du jour (insomnium) est l’expression des peurs et des désirs profonds. Le rêve proprement dit (ou « véritable »), le rêve énigmatique (somnium), est un ensemble de symboles, indécodables a priori (c’est le propre des symboles), recélant un sens caché… que l’onirocrite aura charge d’interpréter.
Cette catégorie du somnium se subdivise, elle-même, en cinq sous-catégories, encapsulées les unes dans les autres. Du centre vers la périphérie, se succèdent : la sous-catégorie du rêveur lui-même, celle d’un autre personnage, celle d’un groupe (le rêveur en interaction avec autrui), celle d’une communauté (rêve public) et celle de l’univers (rêve cosmique).
La technique d’interprétation utilisée par Macrobe, fondée sur le décodage des symboles, se révèle étonnamment jungienne. Macrobe dissèque le rêve, morceau par morceau — « hallucination » par « hallucination » —, et cherche, chaque fois, à établir des liens avec la mythologie ou les enseignements philosophiques, qu’ils soient d’ordre orphique, pythagoricien ou platonicien (sur ce point, Macrobe demeure strictement artémidorien [voir la chronique du mois de mars]).
Par ailleurs, en digne homme de l’Antiquité, Macrobe continue à concevoir le rêve comme un rituel initiatique, proposé par la transcendance, une expérience religieuse… avec une petite touche personnelle, toutefois : la principale fonction du rêve consiste à préparer le dormeur à la mort d’un proche… voire à la sienne.
¹Dans Le songe de Scipion, Cicéron raconte comment l’aïeul de Scipion l’Africain lui avait révélé, pendant son sommeil, les secrets de l’au-delà.
²Dans la Bible hébraïque, Dieu établissait déjà le distinguo entre vision et rêve : « S’il y a un prophète parmi vous, c’est en vision que je me montrerai à lui, c’est en songe que je lui parlerai » (Livre des Nombres).