Chronique de novembre 2011 Sur la psychothérapie (partie 1)

Rien ne me semble plus difficile à définir que la psychothérapie. J’entends ici la psychothérapie dite herméneutique, c’est-à-dire l’essentiel du champ, à l’exception de la thérapie cognitivo-comportementale. Et lorsque mes enfants me demandent de leur expliquer en quoi consiste mon travail, il m’arrive souvent d’envier les papas bouchers ou coiffeurs…


Qu’achètent donc mes clients lorsqu’ils me paient ? Viennent-ils pour alléger une souffrance morale ? Certains quittent la séance plus meurtris qu’en entrant. Cherchent-ils un conseil à propos d’un choix difficile ? Tout thérapeute a été formé à ne pas résoudre les problèmes des gens à leur place ; à veiller à aider les patients "sans les aider" ; à chercher à renforcer le Moi du patient, et non l’admiration que ce dernier portera à un Grand-Autre omnipotent.

D’ailleurs, le patient arrive le plus souvent sans savoir très bien, lui-même, ce qu’il demande !

Et le thérapeute reste généralement tout aussi vague sur son offre.

Une invitation à penser, à parler, librement, dans un lieu sécurisé ; des mots écoutés d’une façon particulière, d’autres prononcés à dessein ; un cadre et un contrat proposés, dont le respect permet au patient de vivre les choses sur une autre scène, dans un espace symbolique, un espace de jeu qui permet d’injecter du neuf, du changement (prise de conscience, recadrage, expérience émotionnelle corrective, précipitation dans la crise, temps débloqué, etc.) ; une analyse de la relation nouée par le patient avec le thérapeute...

Une des traductions possibles du mot grec psyché est « le souffle ». De là à conclure que les patients qui s’engagent dans une psychothérapie achètent du vent…

Pour essayer d’y voir plus clair, interrogeons-nous sur les motifs qui conduisent les gens à consulter.

La psychothérapie s’adresse principalement à deux types de situations bien distincts.

Le premier est celui du traumatisme. L’individu a reçu une tuile sur la tête. Cette dernière a menacé l’intégrité psychique et/ou physique. L’événement fut si brutal, et si dense, que les processus mentaux ne sont pas parvenus à digérer la chose. La persistance de ce choc entraîne une série de séquelles. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le patient traumatisé va trouver un thérapeute, avant tout, pour lui demander de le croire sur parole ! Il pressent que ce n’est que de cette manière, en déposant son témoignage au creux d’une oreille neutre et bienveillante, laquelle va ratifier le discours en question, qu’il pourra cicatriser ses plaies et reprendre le cours de sa vie.

Le second type de situations est celui de la névrose. C’est surtout pour cette dernière que la psychothérapie a été initialement inventée. Et c’est toujours elle qui motive, aujourd’hui, le plus de demandes. Le sujet névrosé reçoit constamment des tuiles sur la tête… qu’il lance lui-même en l’air (à son insu, bien évidemment) ! Procédant de la sorte, il fait - littéralement - lui-même son malheur. Malheur qui est caractérisé par son aspect extrêmement répétitif, voire même stéréotypé. Comme le disait, avec une causticité certaine, John Weakland, un des fondateurs de l’école de Palo Alto : « Quand vous souffrez d’un problème névrotique, la vie est toujours et encore le même « damn shit » ; quand vous ne souffrez plus d’un problème névrotique, la vie est alors un « damn shit » différent après l’autre » ! Le patient névrosé va voir le thérapeute afin de lui demander de l’aider à appuyer sur le bouton « Stop ». Une partie de lui, du moins, celle responsable du « programme officiel », souhaite cesser de tomber sans cesse dans les pièges que l’individu se tend lui-même.

Un petit dessin valant mieux qu’un long discours, je vous propose à présent de vous pencher sur le problème suivant (il est emprunté au livre « Changements », écrit par Watzlawick, Weakland et Fish). Il éclaire dans le même temps, avec fulgurance, tant la nature des processus névrotiques que le ressort de la démarche psychothérapeutique.

Il s’agit tout simplement de relier les 9 points de la figure ci-dessus, par 4 lignes droites, sans lever le stylo.

Vous avez un mois pour vous amuser.
La solution - et son interprétation bien sûr - dans la chronique du mois prochain…


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