Le constructivisme est à la base de la notion de « rêver sur les rêves », idée sous-tendant la technique que j’ai progressivement développée pour travailler les rêves.
Selon ce modèle scientifique aujourd’hui prégnant, nous construisons le monde qui nous entoure, bien plus que nous l’appréhendons. Nous inventons (rêvons) le réel… et ce sans nous en apercevoir, bien entendu.
Le modèle constructiviste (ou plutôt le « paradigme », puisqu’il a remanié notre vision du monde en profondeur), l’un des plus importants de la modernité, s’est imposé dans de nombreux (pour ne pas dire tous les) domaines de la connaissance.
À commencer par celui de l’épistémologie, bien sûr, la branche de la philosophie qui étudie la connaissance elle-même (comment connaît-t-on ? qu’est-ce que connaître ? à partir de quand une connaissance devient-elle scientifique ? etc.) « La conception que tout individu a du monde est toujours une construction de son esprit, et l’on ne peut jamais prouver qu’elle ait une quelconque existence », écrivait le physicien et philosophe autrichien Erwin Schrödinger, en 1958, dans L’Esprit et la Matière (Schrödinger est un physicien quantique qui s’est opposé à la classique « interprétation de Copenhague », de Niels Bohr).
Le paradigme nouveau s’est également très rapidement invité dans le domaine de la psychologie. C’est Jean Piaget, du reste, le célèbre psychologue suisse, auteur des premiers travaux en psychologie du développement (psychogénétique), qui l’a baptisé « constructivisme » dans un ouvrage datant de 1930 : La construction du réel chez l’enfant.
Et la sociologie, la grande sœur, n’a pas tardé à imiter sa puinée. Par le biais de William Thomas, notamment, fondateur de l’École de Chicago et auteur, dans les années 1930, du célèbre théorème portant son nom : « Si les hommes définissent des situations comme réelles, alors elles le sont dans leurs conséquences » ! Voilà pourquoi une simple rumeur est à même de créer la réalité dont elle prétend se faire l’écho (ce qui, plus qu’une « prophétie autoréalisatrice », est un « constat autoréalisateur »). Il suffit, par exemple, qu’un lanceur d’alerte suffisamment visible et crédible proclame l’insolvabilité d’une banque, pour que celle-ci se retrouve, effectivement, en faillite… comme le jeune Michael Banks (au nom prédestiné) est à deux doigts d’en faire la douloureuse expérience (son père travaillant pour une banque) dans une scène mémorable du film Mary Poppins ! En d’autres mots, une fumée est tout à fait capable de générer son propre feu ! « Il n’y a pas de feu sans fumée » se vérifie aussi souvent, sinon plus, que le sempiternel « Il n’y a pas de fumée sans feu » !