Le mois passé, j’ai proposé une explication scientifique (onirologique, en l’occurrence) aux mystérieuses OBE, les Out of Body Experiences (expériences d’ex-corporation). Les NDE — Near Death Experiences — désignent, quant à elles, les expériences aux frontières de la mort (ou de mort imminente).
L’expression expérience de mort imminente est l’œuvre de Victor Egger, un psychologue et épistémologue. Il l’utilise dans un ouvrage daté de 1896, pour qualifier une curieuse production mentale, rapportée — dans un ouvrage publié en 1892 par Albert Heim, un géologue suisse — par une trentaine d’alpinistes ayant survécu à une chute (lors de la chute) : la visualisation de l’ensemble de son existence dans un laps de temps très court.
Nous devons l’appellation "Near Death Experiences" à Raymond Moody, un psychiatre américain, qui l’utilise pour la première fois dans un ouvrage de 1975, lequel s’appuie sur les témoignages d’accidentés de la route et de patients admis dans des services de réanimation.
Les onirologues considèrent, là encore, qu’il s’agit très probablement de rêves (par ailleurs, une NDE peut très bien comporter une OBE !)
Songes au cours desquels une expérience (visions et sensations) tout à fait singulière est vécue par le sujet : celle de se retrouver, subitement, coincé entre la vie et la mort… ce qui est d’ailleurs souvent (mais pas toujours) le cas (situation de mort clinique, coma avancé…)
Que ce soit pour le sujet en question… ou pour un proche ! Phénomène portant, dès lors, le nom d’expérience de mort partagée. La NDE se produit alors, dans le chef du proche, au moment même du décès du sujet concerné ! Les « neurones miroirs »* pourraient permettre d’expliquer, partiellement du moins, le mécanisme (des plus énigmatiques) de transmission de ladite expérience.
Dans le genre de rêve qui sous-tend la NDE — dont le contenu est pourtant passablement anxiogène —, la tonalité affective est le plus souvent positive, étonnamment. « Je me suis mis à flotter à un mètre cinquante au-dessus du sol (“corps astral”), hors de mon corps (OBE), ce qui me permettait d’observer (le cas échéant) les tentatives de réanimation dont ce corps faisait l’objet (“autoscopie”). Je savais que j’étais déjà mort. C’est alors que je me suis retrouvé devant un tunnel obscur, dans lequel j’ai assez rapidement pénétré. Une cloche tintait au loin et une forte lumière blanche étincelait en son extrémité. Elle était belle, chaude et rassurante. Je me sentais bien. J’étais attiré par elle et envahi par un sentiment d’amour, de paix et de sérénité totale. Sont alors apparus des êtres de lumière, des puissances supérieures ainsi que des personnes proches décédées. J’ai rencontré chacune de ces “entités”, pour finir par m’y unir (en quelque sorte) ! Une expérience indicible, quasiment mystique. Ensuite, le temps d’un éclair, j’ai vu défiler toute ma vie devant les yeux ! Puis, sentant confusément que mon heure n’avait pas encore sonné — ainsi que par devoir envers ceux parmi mes proches qui sont toujours bien vivants —, j’ai décidé, à contrecœur, de rebrousser chemin, direction la vie ! » : voilà le genre de témoignage que l’on obtient classiquement en pareil cas.
Ainsi que pour les OBE, il arrive que ces rêves soient très banalement produits au cours du sommeil paradoxal.
Néanmoins, ils se produisent le plus souvent, eux aussi, à l’état vigile. Et il est alors à nouveau question d’hallucinations. Lesquelles surgissent, une fois de plus, à la suite de l’immixtion de sommeil paradoxal dans l’éveil.
Mais dans les contextes où la vie est réellement menacée (situations d’infarctus du myocarde ou d’AVC, par exemple, responsables, entre autres choses, d’une hypoxémie, c’est-à-dire une privation d’oxygène), d’autres phénomènes physiologiques — non encore totalement élucidés — rentrent probablement en ligne de compte. Les travaux de Steven Laureys, notamment, neurologue au Coma science group de Liège, prouvent que le cerveau n’est pas mort lors d’une mort clinique — laquelle fait souvent suite à un arrêt cardiaque (et au déficit consécutif en apport sanguin au cerveau) —, alors que l’EEG est pourtant parfaitement plat !
Ainsi donc, certains neuro-scientifiques n’excluent pas la possibilité de l’existence de la conscience indépendamment de l’activité cérébrale. Autrement dit, la possibilité de la survie de la conscience après la mort ! C’est la position du cardiologue néerlandais Pim van Lommel, lequel a effectué une étude sur 344 patients, ranimés, avec succès, après avoir souffert d’un arrêt cardiaque. Parmi eux, 18 % avaient gardé un souvenir détaillé de leur état lors de l’arrêt cardiaque, et 12 % avaient vécu une NDE complète.
D’une manière générale, 5 à 15 % (selon les études) des patients en post-réanimation cardio-pulmonaire rapportent avoir vécu une NDE.
Sur le plan neuro-anatomique, ces rêves traduisent, cette fois — à la faveur de l’immixtion de sommeil paradoxal toujours —, l’activation d’une partie du lobe occipital (le cortex visuel), régulée par plusieurs structures du tronc cérébral.
* Il s’agit d’une catégorie de cellules du cerveau (neurones) qui présentent une activité aussi bien lorsque l’individu manifeste un comportement que lorsqu’il observe un autre individu manifester le même comportement. Ces neurones joueraient un rôle important dans la cognition sociale, notamment dans les processus affectifs tels que l’empathie. Ils sont actuellement considérés comme une découverte majeure des neuro-sciences cognitives.