Roland Pec
L’étude scientifique du sommeil a débuté dans les années trente, grâce à l’invention de l’électroencéphalogramme. Cependant, ce n’est qu’à partir des années cinquante que la recherche a réellement pris son essor, avec notamment la découverte du sommeil paradoxal. Les années septante ont vu apparaître les laboratoires de sommeil à visée clinique (dont le rôle est de diagnostiquer des troubles), ainsi que se développer la nosologie (la classification des troubles). Puis, des traitements vraiment efficaces ont commencé à voir le jour à partir des années quatre-vingts. Aujourd’hui, la polysomnographie (l’étude électrophysiologique du sommeil) est devenue un examen diagnostique de routine, et la somnologie une spécialité en voie de reconnaissance. Les médias se sont récemment pris de passion pour la somnologie, tant dans la presse écrite, qu’à la radio ou à la télévision. Ainsi, le grand public a déjà eu l’occasion d’être sensibilisé à des thèmes tels que : l’architecture du sommeil, les troubles les plus fréquents, l’utilisation des somnifères, etc. Ce dossier fait plus spécifiquement le point sur les fausses croyances concernant le sommeil. Combattre ces fausses croyances – ces mythes – procède de la thérapie dite cognitive - un des fers de lance de la prise en charge non pharmacologique des troubles du sommeil. Une bonne connaissance du sommeil aide les patients à mieux comprendre leurs problèmes, et leur permette ainsi de mieux gérer ces problèmes.
Testez vos connaissances en somnologie
et déterminez votre « coefficient somnomythique »
1. La privation de sommeil est mortelle chez l’homme : VRAI ou FAUX ?
2. Un insomniaque est quelqu’un qui ne dort pas assez : VRAI ou FAUX ?
3. Les heures avant minuit comptent double : VRAI ou FAUX ?
4. Il faut dormir ses 8 heures pour être en forme : VRAI ou FAUX ?
5 Le monde appartient à celui qui se lève tôt : VRAI ou FAUX ?
6. Faire la sieste est un comportement préjudiciable : VRAI ou FAUX ?
7. On ne rêve que lorsqu’on se souvient d’un rêve : VRAI ou FAUX ?
8. On dort pour se reposer : VRAI ou FAUX ?
9. 1 personne sur 2 est insomniaque : VRAI ou FAUX ?
10. Avec l’âge on a moins besoin de sommeil : VRAI ou FAUX ?
11. Les benzodiazépines ne provoquent pas de dépendance : VRAI ou FAUX ?
12. Le rêve est lié au sommeil paradoxal : VRAI ou FAUX ?
13. Le sommeil paradoxal régule l’humeur et la cognition : VRAI ou FAUX ?
14. On a prouvé que la mélatonine est un produit toxique : VRAI ou FAUX ?
15. L’horloge biologique est réglée sur 24 heures : VRAI ou FAUX ?
16. C’est le matin qu’on est le plus performant : VRAI ou FAUX ?
17. L’alcool est un bon somnifère : VRAI ou FAUX ?
18. Le dauphin ne peut dormir que d’un hémisphère à la fois : VRAI ou FAUX ?
19. C’est très dangereux de réveiller un somnambule : VRAI ou FAUX ?
20. Il vaut mieux mettre un nourrisson sur le ventre : VRAI ou FAUX ?
21. 1 personne sur 10 ronfle : VRAI ou FAUX ?
22. Faire une apnée de sommeil c’est oublier de respirer : VRAI ou FAUX ?
23. Les apnées sont surtout dérangeantes pour le conjoint : VRAI ou FAUX ?
24. On s’habitue progressivement au bruit au cours des nuits : VRAI ou FAUX ?
25. La température de confort dans le lit est de 20 degrés : VRAI ou FAUX ?
26. Au cours du sommeil la sexualité est au repos : VRAI ou FAUX
27. Le sommeil paradoxal est antidépresseur : VRAI ou FAUX ?
28. L’impuissance sexuelle et le sommeil n’ont aucun lien : VRAI ou FAUX ?
29. Un bain chaud avant le coucher entraîne le sommeil : VRAI ou FAUX ?
30. La caféine agit pendant 4 heures : VRAI ou FAUX ?
1. FAUX.
La privation de sommeil tue un rat en 1 semaine. Mais elle ne tue jamais un homme. Le record de nuits blanches est détenu par un certain Randy Gardner qui, en 1963, à San Diego, est parvenu à rester 11 jours sans dormir une seule seconde. Il a tout récupéré en 2 nuits de sommeil - fort longues il est vrai - et se portait par la suite comme un charme.
2. FAUX.
Un insomniaque est quelqu’un qui dort mal. Son sommeil est fragmenté de nombreux micro-éveils, son sommeil profond réparateur est déficitaire et parasité par des ondes d’éveil et la cyclicité de son sommeil est déstructurée. En moyenne, la durée de sommeil d’un insomniaque, objectivée à la polysomnographie, diffère seulement d’une demi-heure par rapport à un bon dormeur. L’insomnie est donc plus une question de qualité de sommeil que de quantité.
3. FAUX.
Les 3 premières heures de sommeil sont les plus réparatrices, car elles contiennent le plus de sommeil profond. Ceci est vrai quelle que soit l’heure du coucher.
4. FAUX.
La durée de sommeil nécessaire pour chacun est programmée génétiquement. Même si la moyenne est de 7 heures 30, il y a des « petits dormeurs » qui se contentent parfaitement de 4 heures 30 de sommeil (c’était le cas d’Edisson) et des « gros dormeurs » qui ont besoin de 11 heures de sommeil pour être en forme (c’était le cas d’Einstein).
5. FAUX.
De même que certains héritent d’yeux bleus et d’autres d’yeux marrons, certains sont des sujets du soir - des « night owls » et d’autres du matin - des « early birds ». Contrarier ce rythme endogène est du même ordre que de contrarier un gaucher. Dans la mesure du possible, mieux vaut être à l’écoute de sa tendance, se respecter et ne pas se faire aliéner par la normalisation sociale.
6. FAUX.
Il en est de même pour la sieste. Certains sont des dormeurs « monophasiques » et d’autres « biphasiques ». Tant ceux qui condamnent la sieste que ceux qui en font l’éloge agissent en véritables dictateurs de sommeil !
7. FAUX.
On rêve toutes les nuits pendant plusieurs heures. Mais il faut se réveiller au cours d’un rêve pour s’en souvenir. Sans réveil, l’amnésie du rêve se produit en quelques minutes de sommeil.
8. FAUX.
L’expérience le prouve, être couché et bénéficier d’un massage peut être tout aussi reposant que de dormir. En réalité, en 50 ans de recherche, on n’a pas encore compris à quoi sert exactement le sommeil ! Mais sait-on à quoi sert l’éveil ?
9. FAUX.
L’insomnie chronique, celle qui constitue réellement pour le sujet un problème de vie, touche 1 personne sur 10.
10. FAUX.
Avec l’âge, le besoin de sommeil reste identique. C’est la distribution du sommeil au cours des 24 heures, et son architecture, qui se modifient. Le sommeil devient « polyphasique », l’horloge biologique se décale dans le sens de l’avance de phase et le sommeil profond tend à disparaître.
11. FAUX.
La plupart des gens développent une dépendance aux benzodiazépines ; lorsqu’ils arrêtent d’en prendre, ils subissent un « syndrome de sevrage » : ils sont en manque et ont un rebond d’insomnie, d’anxiété et de cauchemars. Pendant une période plus au moins longue, le sommeil est donc encore plus mauvais qu’avant le début du traitement. 1 an de prise de benzodiazépines = 1 mois de syndrome de sevrage ; 10 ans de prise = 1 an de syndrome de sevrage ! Voilà pourquoi il faut toujours penser à réduire très progressivement les doses lors de l’arrêt d’un tel traitement.
12. FAUX.
Réveillé en sommeil paradoxal, on se souvient mieux des rêves et on a plus de mots pour en faire le récit. Cette supériorité mnésique et verbale a fait croire pendant longtemps que l’occurrence des rêves était réservée à ce stade de sommeil. En réalité, les rêves se produisent dans tous les stades, mais c’est en sommeil paradoxal qu’on les « capture » le plus facilement.
13. FAUX.
C’est la conclusion de nombreuses études. Pourtant il y a quantité de contre-exemples. Prenons le cas de ce soldat israélien qui, en 1973, lors de la guerre de Kippour, reçoit un éclat de grenade dans l’endroit précis de l’encéphale générant le sommeil paradoxal. Depuis lors, ce stade de sommeil a complètement disparu chez lui. Jusqu’à présent, cette personne vit tout à fait normalement, tant sur le plan cognitif (il exerce toujours une profession intellectuelle) que sur celui de l’humeur (sa vie affective est parfaitement épanouie) . Le sommeil paradoxal est vraiment paradoxal à plus d’un titre !
14. FAUX.
Si la vente de mélatonine était interdite en Belgique jusqu’en avril 2006, c’était pour des raisons purement commerciales et non pas scientifiques. Cette « hormone de l’obscurité », véritable horloge parlante, doublée d’une clé qui ouvre la porte du sommeil, a prouvé dès le début des années 80, chez l’homme, tant son efficacité que son innocuité (dans le traitement à court et moyen terme en tout cas). Personne ne connaît évidemment les répercussions de la prise de cette hormone sur une longue durée. Mais n’en va t-il pas exactement de même pour la pilule contraceptive ?
15. FAUX.
L’horloge biologique est réglée, en moyenne, sur 25 heures et demi. Chaque matin, on fait donc l’effort, inconscient, d’avancer l’horloge d’une heure et demi pour rendre son rythme circadien (+/- 24 heures) en phase avec le cycle du soleil. Voilà pourquoi les voyages vers l’Ouest – lorsqu’on retarde l’horloge – sont plus aisés que les voyages vers l’Est – lorsqu’on avance l’horloge. Lorsqu’à titre d’expérience on isole des sujets, les privant ainsi de tout repère temporel, le cycle endogène s’allonge considérablement, pour atteindre parfois un rythme « circabidien » (+/- 48 heures).
16. FAUX.
C’est l’après-midi qu’on est le plus performant. Le pic de mémoire est vers 13 heures, le pic d’intelligence abstraite vers 15 heures, le pic d’intelligence concrète vers 17 heures, le pic de performance physique vers 18 heures.
17. FAUX.
L’alcool entraîne plus facilement l’endormissement, mais altère la qualité du sommeil par la suite. L’alcool « vieillit » littéralement le sommeil : il le fragmente d’innombrables micro-éveils et éveils persomniques, le prive de sommeil profond et de sommeil paradoxal ; il le rend donc moins réparateur.
18. FAUX.
C’est une possibilité qu’il lui est offerte, à lui comme à tous les mammifères marins du reste. On pense que c’est pour ne pas oublier de remonter à la surface pour respirer pendant le sommeil. Mais le dauphin peut très bien également dormir des deux hémisphères cérébraux à la fois.
19. FAUX.
Aucun danger ! Dans le pire des cas, le somnambule vous en voudra de l’avoir brutalement tiré de son sommeil profond. Pour son confort, il vaut donc quand même mieux le ramener à son lit sans le réveiller.
20. FAUX.
C’est le contraire ! Depuis de nombreuses années, on s’est aperçu que le risque de mort subite du nourrisson est considérablement réduit lorsqu’on couche bébé sur le dos.
21. FAUX.
Le ronflement touche 40 % des femmes et 60 % des hommes. On peut donc dire que 1 personne sur 2 ronfle !
22. FAUX.
Chez l’adulte, faire une apnée consiste à faire une pause respiratoire par obstruction des voies aériennes supérieures. L’infortuné sujet apnéique fait des efforts désespérés pour respirer mais, rien à faire, l’air ne passe plus. Un « bouchon » s’est formé dans sa gorge. On déplore chez lui un véritable problème de plomberie !
23. FAUX.
Les apnées sont mortelles, c’est une bombe à retardement ! Un syndrome apnéique sévère multiplie par 23 le risque d’infarctus et d’attaque cérébrale ! (le tabac, lui, n’augmente ce risque « que » de 8 fois). Qui plus est, la somnolence diurne excessive engendrée par un tel syndrome accroît considérablement le risque d’accident de la route et du travail.
24. FAUX.
On finit effectivement par ne plus entendre le bruit et à trouver le sommeil sans trop de difficultés. Mais la qualité du sommeil reste altérée par des sortes de micro-éveils, réponses spécifiques au bruit, baptisés « complexes K ». En outre, au cours du sommeil, le système cardio-vasculaire est hyperactivé par le bruit (et il le reste à l’éveil).
25. FAUX.
La température de confort (neutralité thermique)est de 32°C. C’est la température qu’il fait sous la couette lorsqu’il fait 19°C dans la chambre à coucher.
26. FAUX.
Lors de chaque phase de sommeil paradoxal, autrement dit plus ou moins 20 minutes toutes les 90 minutes, l’homme comme la femme est sexuellement excité. Et ceci n’a rien à voir avec les rêves érotiques. Sur une nuit, on passe donc presque 2 heures en moyenne à être prêt pour une relation sexuelle.
27. FAUX.
Au contraire, le sommeil paradoxal est lié à la dépression. Plus on est privé de cette phase de sommeil moins on est déprimé. Les médicaments antidépresseurs réduisent d’ailleurs considérablement le sommeil paradoxal. Voilà pourquoi on est légèrement euphorique après une petite nuit, voire une nuit blanche.
28. FAUX.
1 impuissant sur 4 est apnéique, et 1 homme sur 3 souffrant de mouvements périodiques des membres au cours du sommeil est impuissant. En traitant ces pathologies de sommeil, on fait disparaître l’impuissance !
29. FAUX.
Un bain chaud juste avant le coucher entraîne le réveil car il provoque, sur le moment-même, une augmentation de la température corporelle. Une heure avant le coucher, par contre, un bain chaud entraîne le sommeil car, via le processus de sudation, il provoque à terme une diminution de la température corporelle.
30. FAUX.
La demi-vie de la caféine est de 8 heures. C.-à-d. que 16 heures après son ingestion, la caféine est toujours légèrement active. Si on est sensible à la caféine, il ne faut donc plus en prendre après 14 heures.
De 24 à 30 réponses « FAUX » : Coefficient somnomythique minimal
Bravo ! Le sommeil n’a (presque) aucun secret pour vous.
Faites-en profiter les autres, et devenez à votre tour un démythifieur de
sommeil !
De 16 à 23 réponses « FAUX » : Coefficient somnomythique inférieur
C’est bien ! Vous avez peu de fausses croyances par rapport au
sommeil. D’une manière générale, vous avez échappé aux schémas de pensée imposés par la société, à des fins d’autorité et de discrimination, entre
autres.
De 8 à 15 réponses « FAUX » : Coefficient somnomythique supérieur
Pas terrible ! Vous attribuez beaucoup de choses fausses au sommeil.
Mais rien n’est perdu … Informez-vous auprès de personnes faisant
partie de la première catégorie, et vous serez remis à niveau !
De 0 à 7 réponses « FAUX » : Coefficient somnomythique maximal
Désolé de vous l’apprendre : le sommeil est pour vous une véritable mythologie ! Vous avez sacrément bien fait de lire cet article !