Chronique d’avril 2024 Les Chutes d’Iguaçu (Le rêve, objet psychophysiologique per se, partie 1)

Il est des domaines de la connaissance juchés sur les frontières…


Territoires hybrides, contrées funambulesques, à cheval sur plusieurs disciplines, telles les majestueuses Chutes d’Iguaçu, qui se moquent bien de la partition territoriale Brésil-Argentine-Paraguay. La nature ignore superbement ces disciplines créées par l’homme dans le seul but de ménager sa rationalité par trop limitée.

Ces champs mixtes de la connaissance constituent de véritables casse-têtes pour les savants. Ceux d’aujourd’hui, surtout, toujours plus spécialisés. Ces experts, qui finissent, comme dit l’adage, par connaître à peu près tout sur à peu près rien !

C’est pourquoi celui qui se donne pour projet d’étudier le rêve, voire même caresse le fol espoir de percer certains de ses secrets, se voit dans l’obligation de retrouver l’esprit de l’homme universel, apparu à la Renaissance (au XVe siècle) : un individu qui, tel Léonard de Vinci, se donne pour ligne de conduite d’avoir des connaissances en toute chose. Ou encore, de revêtir l’habit de l’honnête homme, né à l’âge baroque (au XVIIe siècle) : un généraliste, un charmant touche-à-tout, cherchant à se donner une représentation unifiée des choses. Blaise Pascal n’affirmait-il pas qu’« il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose » ? Cet état d’esprit, on le retrouve, enfin, chez les encyclopédistes du XVIIIe siècle, qui, autour de Diderot, n’ambitionnaient rien moins que de couvrir tous les domaines de la connaissance.

Une telle approche invite à tourner autour de son objet d’étude. Un tour à 360°, où chaque dimension est prise en compte. Au travers duquel le puzzle du réel, artificiellement morcelé afin de s’accorder à la pensée analytique de l’érudit (pensée dite convergente), trouve à se recomposer. Bénéfice collatéral : la juxtaposition de ces savoirs hétérogènes pousse à la créativité, incite à faire des liens, encourage l’associativité (pensée dite divergente).

À ma connaissance, le tout dernier encyclopédiste s’est éteint en 1983. Arthur Koestler, journaliste, romancier et essayiste hongrois (naturalisé anglais), a porté un regard global, original et pénétrant — qui fit souvent autorité — sur toute une série de domaines (sciences, art, créativité, politologie, occultisme… psychologie). Il a notamment décrit — et beaucoup pratiqué — le processus de bi-sociation, source de créativité : l’association d’éléments hétérogènes, provenant de niveaux distincts de la connaissance (Le cri d’Archimède, 1960).

Aux prises avec le rêve — cet obscur objet d’étude —, nous n’avons d’autres choix que de faire comme lui : multiplier les points de vue, bi-socier, oser être créatif.


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