Chronique de mai 2020 Symboles vs signifiants (Une publication de 1899, datée de 1900, partie 5)

Pour Carl Gustav Jung, le dauphin désigné de Freud (qui, dès 1911, a commencé à prendre ses distances), le rêve procède tout autant de l’Inconscient…


Mais, selon le célèbre psychiatre zurichois, ce dernier est une instance avant tout collective : il se compose essentiellement de symboles universels (les archétypes)¹ et de symboles relatifs à des groupes sociaux spécifiques².

Alors que Freud avait mis fin — et c’est là une des marques indubitables de son génie — à l’ancestrale clef des songes, le recours à une sorte de « dictionnaire », permettant de traduire les rêves par le biais du décodage de symboles (des représentations mentales hétéroréférencées, faisant tiers pour une collectivité donnée), et y avait substitué l’exégèse des rêves, par l’entremise de l’association libre autour de signifiants (des représentations mentales strictement autoréférencées, ne faisant sens que pour un individu donné³) — introduisant, de la sorte, du sur-mesure là où il n’y avait, au mieux, que de la demi-mesure —, Jung y revient, donc, par une voie détournée : le primat de l’analyse des archétypes et des symboles relatifs à des groupes spécifiques.

Autre pomme de discorde : selon Jung, les désirs à l’origine des rêves étaient de tous ordres, les désirs sexuels ne jouissant d’aucune primauté…

Ce fut d’ailleurs, là, l’essentiel de sa querelle avec Freud (sans oublier son goût immodéré pour l’occulte… inclination jugée « politiquement dangereuse pour la psychanalyse » par le créateur de celle-ci). Rappelons, tout de même, que Jung était un véritable fils spirituel pour Freud. La profonde amitié, pour ne pas dire l’amour, qui liait ces deux-là, ne résista donc pas aux conceptions différentes qu’ils se faisaient, l’un l’autre, du rêve…

On le voit bien, la psychanalyse a beau se fonder sur des données cliniques (donc empiriques, donc scientifiques) pour forger ses concepts, elle laisse encore la part belle aux spéculations dès lors qu’il s’agit d’interpréter ces mêmes données…


¹Un exemple d’archétype est « la main ouverte » (comme celle dont Le Corbusier fit grand usage dans ses projets architecturaux et urbanistiques). Elle symbolise « la paix », « l’accueil », « l’unité de l’humanité »… quelle que soit la culture envisagée.

²Un exemple de symbole, propre à un groupe social donné, est « l’araignée ». En Occident, elle symbolise « la peur » et « le dégoût » ? ; mais en Afrique, comme en Amérique du Sud, elle représente le couple (deux individus en un, puisque l’araignée possède huit pattes), et symbolise, ce faisant, « le bien-être » et « l’apaisement » ?!

³Notons, néanmoins, que Freud ne s’est jamais complètement départi de la traduction des symboles oniriques (spécifiques à un groupe, une culture, une langue, une civilisation… l’humanité tout entière). Mais il ne lui accorda qu’un rôle secondaire : elle ne devenait utile que lorsque la méthode des associations libres avait atteint sa limite ? ; et encore, elle ne concernait, dès lors, qu’un nombre restreint de thématiques : les parties du corps, les parents et les consanguins, la naissance, la mort, la nudité et last but not least… la sexualité, bien sûr.


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